LA NATION DES ABÉNAKI
ODANAK
PATRIMOINE CULTUREL ET SACRÉ ABÉNAKI
NOTRE PERSPECTIVE DU PATRIMOINE AUTOCHTONE
Depuis l'arrivé des Européens en Amérique du Nord, le patrimoine national des Abénaki a été défini et redéfini dans le contexte territorial d'une histoire écrite par les non-autochtones. Aux cours des années, les Gouvernements ont identifié et mis sur pied des programmes culturels nécessaires à la préservation des langues et des cultures, des sites archéologiques et des artefacts autochtones, basés sur une perspective euro-canadienne.
La préservation et la promotion du patrimoine autochtone a toujours été principalement orienté vers les ossements humains, les cimetières sacrés ou les pictogrammes.
La plupart des Nations autochtones ont été ignorée et gardée à l'extérieure du cercle des communautés archéologique, archivistique et muséologique. Les noms d'endroits ont été jusqu'à un certain degré déformés et intégrés, au fil des ans, à la toponymie du Québec et du Vermont.
Plusieurs endroits identifiés dans la langue Abénaki avant l'arrivée des européens, sites reliés directement à notre mythologie ou à nos ressources économiques, ont été ignorés selon notre occupation territoriale et selon notre juridiction originaire du gouvernement Abénaki.
CONCEPT ABÉNAKI DU PATRIMOINE CULTUREL ET SACRÉ
En tant que Nation autochtone, nous les Abénaki désirons promouvoir notre patrimoine dans un sens beaucoup plus large. L'usage de toponymes Abénaki est un des moyens qui nous permettra d'atteindre ce but. Pour la population Abénaki, le nom donné à chacun de nos sites sur notre territoire ancestral est tiré à même nos valeurs et nos croyances traditionnelles. Ces sites sont nommés d'après certains événements spéciaux et désignent des villages, postes de trocs, sentiers de portage, lac et rivières et aussi certains emplacements à caractère spirituel désignés à partir de notre mythologie.
A notre connaissance, les gouvernements n'ont pas encore mis en oeuvre de plan national ou provincial qui permettrait aux Premières Nations concernés, d'identifier les priorités de leur Nation en ce qui a trait au patrimoine culturel et sacré, archéologique et muséologique, par les Nations concernés.
IDENTIFICATION DES PRIORITÉS
La Nation des Abénaki s'intéresse à son patrimoine culturel et sacré sur le plan matériel et spirituel, archéologique et muséologique et désire participer directement à son épanouissement.
Lorsque les ministères fédéraux et provinciaux établissent leurs politiques de préservation du patrimoine culturel Abénaki, il est intéressant de noter qu'il y a trois groupes majeurs qui peuvent faire la demande d'un permis de fouille archéologique sur des bases d'intérêts et de priorités différentes à un concept Abénaki.
Premièrement il y a les archéologues qui sont à la poursuite de leur carrière académique à partir d'universités ou de ministères fédéraux et provinciaux. Ceux-ci reconstituent les sites à l'intérieur des limites de leurs connaissances sur l'archéologie et qui en principe et de façon technique essaient d'effectuer le travail de recherche sur les sites par une analyse détaillée de reconstitution. Bien souvent ce travail est accomplie par des étudiants en archéologie. Les priorités dans la plupart de ces cas sont dictés par des concepts strictement académiques, sans la supervision directe des Nations autochtones concernés dans un contexte spirituel.
Deuxièmement il y a les consultants en archéologie qui travaillent sur des projets de récupérations qui ont été identifiés par les compagnies immobilières ou multinationales parce qu'elles ont, par hasard, découvert un site archéologique pendant l'aménagement ou l'excavation d'un terrain. Naturellement, les sites découverts dans ces circonstances finissent toujours par devenir une priorité en vertu du fait qu'ils se retrouvent sur des projets de développement industriel.
Troisièmement, il y a les gouvernements des nations autochtones et des Inuit, qui ont établis leur propres priorités dans le développement de leur ressources archéologiques, muséologiques et archivistiques. La Nation Abénaki désire faire usage de ses ressources archéologiques et archivistiques non seulement pour ses besoins en revendications territoriales mais aussi pour permettre la mise sur pied d'institutions culturels contrôlés par la Nation et qui permettront d'identifier à court et à long termes, ses priorités en matière de recherche et d'interprétation.
La Nation des Abénaki est convaincu qu'elle a sa place dans le processus de direction et d'orientation des activités de gestions de ses ressources, reliées à son patrimoine culturel, sur l'ensemble de son territoire ancestral.
La Nation des Abénaki croit sincèrement que les gouvernements doivent mettre sur pied des tables de concertation et de négociation, qui agiront en tant que régulateur d'activités.
La Nation des Abénaki désire être consultée et participé au choix des priorités de recherches, de fouilles ou de tout autres projets reliés au patrimoine culturel et sacré Abénaki sur l'ensemble de son territoire ancestral, plutôt que sur ses réserves, selon la définition de la loi sur les Indiens, puisque la Nation des Abénaki occupait, avant la venue des Européens, un territoire beaucoup plus vaste que la partie qui lui a été réservé pour son usage exclusif.
La Nation des Abénaki réclame, de par sa souveraineté, sa juridiction originaire et sa propriété sur les biens culturels qui ont été dépouillés de son territoire ancestral. Selon la convention de L.U.N.E.S.C.O., la Nation des Abénaki a le droit d'exercer un contrôle sur la gestion de sa propriété culturelle qu'elle considère importante. Depuis plusieurs siècles, notre territoire ancestral a été dépouillé d'artefacts et plusieurs de nos objets se sont retrouvé dans des collections provinciales, fédérales et privées.
Les gouvernements devront donc éventuellement partager, dans un système de cogestion, toutes leurs responsabilités administratives envers le patrimoine Abénaki, avec la Nation Abénaki, en appuyant leur volonté de reprendre le contrôle de leurs ressources nécessaires à l'identification du patrimoine culturel Abénaki.
La Nation des Abénaki n'a pas pour l'instant les moyens physiques et techniques pour collectionner, préserver et entreposer le matériel.
Dans ce cas, il est nécessaire que les personnes responsables de la cueillette d'artefacts, s'assurent que les objets désignés qui ont été recueillis sur notre territoire ancestral soient déposés temporairement dans des institutions compétentes, au nom de la Nation Abénaki, jusqu'à ce que la Nation puisse en prendre la responsabilité ultérieurement.
Cette mesure permettrait à la Nation Abénaki d'avoir accès à sa propre collection et pourrait servir de base justificative pour le développement de son centre d'interprétation et de son centre culturel.
L'IMPORTANCE DU PATRIMOINE CULTUREL ET SACRÉ
La position fondamentale de la Nation des Abénaki en ce qui touche son patrimoine est que tous les objets disponibles à l'intérieur comme à l'extérieur de son territoire ancestral devront être identifiés et officiellement désignés comme étant des biens culturels qui appartiennent, de droit, à la Nation Abénaki, dans un but éventuel de rapatriement et de gestion de son propre patrimoine.
La Nation des Abénaki réalise par contre qu'elle devra résoudre le problème de son propre contrôle sur son patrimoine, en passant par plusieurs étapes et procédures de développement de politiques internes ainsi que légales, à travers les différents paliers des agences gouvernementales, sur une période lui permettant d'effectuer l'apprentissage nécessaire à la gestion de ses biens culturels.
Dans l'intermédiaire, la Nation des Abénaki procède avec prudence et désire travailler en coopération étroite avec les différents ministères des gouvernements fédéral et provincial, ainsi qu'avec les municipalités établies sur son territoire ancestral.
L'IMPORTANCE DU PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE
Le patrimoine en général donne à toute Nation, une vitalité et un caractère qui mérite une attention spéciale. Nous croyons que les gouvernements doivent accroître leurs encouragements dans le domaine de la préservation et de la gestion du patrimoine Abénaki par des Abénaki.
NIVEAU DE PROTECTION
La Nation des Abénaki reconnaît le besoin de définir des critères qui détermineront le niveau de protection pour ses sites particuliers et ses artefacts. Elle devra éventuellement identifier elle même quels seront les sites qui ont une signification culturelle ou spirituelle pour la Nation, mais qui pourraient être d'une signification moindre pour les scientifiques. Ces sites devront quand même bénéficier de notre attention.
Nous croyons qu'une attention particulière devrait être porté par les gouvernements à la protection de nos sites situés sur l'ensemble de notre territoire ancestral, ou dans des endroits considérés comme lieux sacrés.
COMMENT IDENTIFIERONS-NOUS LES RESSOURCES ARCHÉOLOGIQUES
La Nation des Abénaki désire mettre sur pied une table de concertation formée d'experts, qui démontreront leurs expertises et un intérêt pour le patrimoine culturel de la Nation Abénaki, ainsi que des représentants de la Nation Abénaki. Tout les experts pourront être des ressortissants des différents organismes ou Ministères gouvernementaux qui peuvent offrir leurs services.
Cette table de concertation permettra à la Nation des Abénaki d'éviter le dédoublement d'activités, de concerter et concentrer ses efforts dans la direction désirée par la Nation.
PERMIS DE FOUILLES
La Nation des Abénaki accepte la remise de permis de fouilles sur son territoire ancestral, en autant qu'elle est directement impliquée et qu'elle peut en exercer le contrôle. La Nation est très préoccupée par le maintien d'une éthique professionnelle de la part des chercheurs, et maintient ses droits exclusifs d'appartenance sur tout objets qui pourraient être retrouvés sur son territoire ancestral.
Ainsi, la Nation des Abénaki ne peut accepter l'émission de permis de fouilles qu'à ceux qui en auront fait la demande directement au Conseil des communautés de la Nation des Abénaki, et qui accepteront de placer en fiducie en notre nom, tous les artefacts retrouvés sur notre territoire ancestral.
Nous croyons donc qu'il est très important que les gouvernements respectent la décision de la Nation des Abénaki de s'impliquer directement dans la gestion de son patrimoine culturel et sacré.
L'APPLICATION DE LA RÉGLEMENTATION
La sensibilisation ainsi que l'éducation du grand publique permettra à court et à long terme, de faire apprécier le patrimoine culturel de la Nation des Abénaki et engendrera le respect des objets retrouvés sur notre terre ancestrale. Le publique, par l'entremise d'une campagne de sensibilisation, sera mieux informé sur les dispositions visant à assurer la protection du patrimoine Abénaki.
En autre, toute les activités de fouilles devront être dirigées à partir d'un système de contrôles centralisé au Grand Conseil de la Nation des Abénaki.
OSSEMENTS HUMAINS
La Nation des Abénaki ne s'oppose pas à l'étude scientifique des ossements de ses ancêtres, en autant qu'elle reçoive l'approbation des Anciens et que les ossements soient retournés au même endroit d'où ils furent exhumé, lorsque les études sont terminées. En aucune circonstance la Nation des Abénaki n'acceptera que des ossements humains soient exposés dans des endroits publiques quels qu'ils soient.
DROIT DE PROPRIÉTÉ ET D'ACCÈS
La Nation des Abénaki désire exercer son droit de propriété et de contrôle sur son patrimoine culturel et sacré sur tout l'étendue de son territoire ancestral.
De plus, nous aimerions souligner que les gouvernements concernés se doivent de respecter le droit à la reconnaissance nationale de la Nation des Abénaki, et la considérer comme étant une entité autonome, capable de gérer la totalité de ses biens culturels à l'intérieur de son territoire ancestral.
Il est donc devenu évident que la Nation des Abénaki réclame son droit de propriété sur tous les artefacts Abénaki soutirés de son territoire ancestral et présentement déposés dans plusieurs institutions au Canada et d'en d'autres pays.
Les gouvernements devraient, en consultation avec la Nation des Abénaki, établir des mécanisme de transfert de droit de propriété de tous les objets retrouvés sur le territoire ancestral Abénaki et fournir en compensation à la Nation des Abénaki les ressources nécessaires à leur préservation et leur énumération.
La protection du patrimoine culturel de la Nation des Abénaki sera efficace seulement si les gouvernements reconnaissent que les Abénaki font parti intégrale d'un plan globale d'aménagement des ressources patrimoniales.
Il est donc nécessaire que les gouvernements acceptent que la Nation des Abénaki devienne de plus en plus active dans les processus décisionnels et dans l'application des politiques reliées à son patrimoine culturel et lui facilite l'accès aux ressources disponibles en introduisant une série de programmes d'initiation qui impliquerait directement la population Abénaki dans la cueillette, la gestion, l'interprétation,la préservation et l'inventaire du patrimoine culturel et sacré Abénaki.
Afin de permettre au gouvernement de mieux saisir l'importance et l'intérêt que nous attachons à notre patrimoine culturel, et le rôle que nous désirons jouer dans le processus de gestion des biens culturels de notre Nation, La Nation des Abénaki s'est doté d'une déclaration sur le Patrimoine culturel et sacré dont le but ultime est de sauvegarder et protéger son patrimoine culturel et sacré sur l'ensemble de son territoire ancestral.